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Bénin/Activités littéraires dans les sections

OUÉMÉ: LA SECTION FAIT SA RENTRÉE LITTÉRAIRE AVEC LE ROMAN LA PIECE D’OR DE KEN BUGUL

 

 (La ferveur du français au Collège Catholique Notre-Dame de Lourdes de Porto-Novo)

C’est sous la voûte tranquille du Collège catholique Notre-Dame de Lourdes que l’après-midi du mercredi 8 octobre 2025 s’est éclos sur un murmure d’allégresse et d’attente. Il y avait, dans l’air, un mélange rare d’émotion et de ferveur intellectuelle que seules les rencontres de haute envergure savent susciter. Devant près de deux cents apprenants venus de divers horizons scolaires, les enseignants de français du département se sont rassemblés autour de la thématique suivante : La pièce d’or de Ken Bugul : une écriture engagée pour interroger l’Afrique postcoloniale. Ils étaient tous animés d’une même conviction : faire du verbe français un espace vivant de liberté, de pensée et de création.

L’événement, organisé et orchestré avec une élégance quasi chorégraphique par John Dalton ZINSOU, enseignant de français et des Lettres, point focal de l’Association pour les relations avec les établissements privés, a pris la forme d’une cérémonie à la fois studieuse et vibrante, fidèle à l’esprit humaniste et disciplinaire de la maison. Sur l’estrade, le regard doux de la vierge Marie surplombant et bénissant toute l’assemblée puis, en face, les visages attentifs des élèves témoignant déjà d’une soif d’écoute rare. Une salle comble, un silence suspendu, une jeunesse tendue vers la parole, et derrière, les enseignants, gardiens du feu de la langue.

Comme il se doit, la cérémonie s’est ouverte par la prière de M. André HOUNTONDJI, père-directeur de l’établissement d’accueil, un moment d’introspection et de gratitude qui a inscrit la rencontre dans la continuité spirituelle et éducative du Collège Notre-Dame de Lourdes. Puis, ses mots de bienvenue sobres et fraternels ont scellé l’entrée en matière : la littérature peut donc alors parler.


C’est ensuite que M. Guy Houndayi, Président de l’Association des professeurs de français du Bénin, section Ouémé, a pris la parole. Son discours, à la fois institutionnel et inspiré, a résonné comme un appel à la responsabilité collective. Dans une tonalité mesurée mais ferme, il a remercié les membres du département pour la confiance renouvelée quant à sa réélection et celle de son bureau à la tête de l’Association pour un nouveau mandat de deux ans. Il a rappelé l’importance des cotisations statutaires qui constituent le véritable levain des initiatives pédagogiques et culturelles et a invité chacun à soutenir activement les projets du bureau afin de permettre l’éclosion d’activités littéraires et formatives au profit tant des enseignants que des apprenants.

Mais c’est lorsqu’il a annoncé la création d’un journal pour la section Ouémé que la salle a connu un léger frémissement. Le mot « journal » a sonné comme une promesse : celle d’une tribune où les voix des enseignants et des élèves s’exprimeront, se croiseront, parfois se contrediront, mais toujours s’élever. Dans le sillage de cette annonce, M. Houndayi a placé son mandat sous le sceau de la détermination renouvelée et d’une volonté d’innovation pour le rayonnement du français dans le département. À travers son verbe précis et solennel, l’assemblée a senti cette foi tranquille, celle des pédagogues qui savent que les mots, comme l’a dit Sartre, façonnent les mondes.

Mais fondamentalement, le cœur battant de la rencontre a été sans conteste le café littéraire consacré à La pièce d’or de Ken Bugul, roman majeur de la littérature postcoloniale africaine. L’animation, assurée par la doctoresse et conseillère pédagogique Nounangnon Judith Bidouzo, a conféré à la séance des allures de séminaire éclairé. Dans une tonalité claire, à la fois scientifique et habité, la CP, dévouée aux causes de l’Association, a fait resplendir la richesse et la singularité de cette œuvre dense et parfois déroutante, qui interroge les fractures de l’Afrique contemporaine à travers la plume de cette écrivaine bénino-sénégalaise lucide, mais aussi à travers des figures historiques qui chapeautent les chapitres de l’œuvre.


Son exposé a été d’une limpidité admirable, et a commencé par un rappel du contexte de création et une brève présentation de l’intrigue. Puis, s’est attardé sur les thématiques postcoloniales du roman comme la mauvaise gouvernance, la faillite de la démocratie en Afrique, la dépossession identitaire, la marche vers soi-même pour retrouver l’altérité, la misère, la corruption, l’homosexualité, la gabegie dans la gestion des affaires administratives, la mémoire du corps et du continent, etc. À chaque point, elle a su tisser un lien entre la sensibilité de Ken Bugul et les réalités de l’Afrique (mais aussi des élèves) d’aujourd’hui, en leur montrant comment une œuvre peut, au-delà du texte, devenir un véritable miroir des consciences.

Par ailleurs, Mme BIDOUZO a insisté sur les méthodes d’étude innovantes : comment aborder La pièce d’or avec un œil neuf ? Comment inviter les apprenants à en savourer la succulence à en oublier le volume décrié de l’œuvre ? Dans ce sens, elle a donc évoqué des outils numériques comme storymaps, le diagramme de Venn, les organisateurs graphiques de biographie ou de cause à effet, le tableau KWL, etc., qui sont des outils grâce auxquels les enseignants peuvent renouveler l’approche du roman et innover dans son étude. Son intervention a fait naître dans la salle une vibration particulière : celle de l’intelligence mise en mouvement.

L’espace de questions-réponses, toujours périlleux mais fécond, a ouvert un champ d’échanges où ont brillé de multiples voix parmi lesquelles, par sa puissance et sa clarté, s’est distinguée celle de Madame Cécile Avougnlankou, professeure certifiée de français et présidente de l’Association Fémicriture (qui s’occupe de la vulgarisation de la littérature négro-africaine féminine et afro-descendante). Sa prise de parole, que l’on pourrait qualifier de fulgurante et vigoureuse, a porté la marque d’une pensée libre, sans concession aucune.

S’adressant aux élèves et aux collègues avec une intensité presque théâtrale, elle a évoqué la lancinante douleur née de l’innommable injustice qu’est la colonisation, dénonçant ainsi avec force les mécanismes de domination qui, sous des formes nouvelles, persistent encore. Par une métaphore saisissante, elle a décrit les « replis de goulag » qui ont ponctué les trajectoires africaines, ces espaces de souffrance et d’humiliation, comme Sègbana jadis ici au Bénin, qui continuent d’habiter la mémoire collective. À travers ses mots, La pièce d’or a pris une dimension tragique et universelle : celle d’un cri, d’une révolte, d’un refus de l’oubli. Les apprenants, captivés, ont pris alors, nous en sommes convaincus, la mesure de ce qu’est la littérature lorsqu’elle se fait lucidité, et non un simple ornement du savoir, mais arme de déchiffrement du monde. L’intervention de Mme Avougnlankou, vibrante d’humanité, a fait planer un silence dense, celui des esprits que l’émotion rend plus attentifs encore.


À mesure que l’après-midi déclinait, l’atmosphère s’est revêtue de la douceur d’une fin symphonique. Le maître de cérémonie, le collègue Chidiaque GUEZO, qui depuis le début conduisait les échanges avec élégance, brio et précision, alternant rigueur et légèreté, rappelant l’ordre des interventions, glissant parfois une pointe d’humour pour apaiser les tensions du débat, a annoncé les dernières prises de parole devant boucler la séance. C’est alors que retentit le discours de clôture du président, suivi de la prière du père-directeur au cours de laquelle l’assemblée était debout dans un recueillement unanime. L’événement, à ce moment-là, avait dépassé sa dimension académique pour devenir un acte de communauté, une célébration du lien invisible qui unit les enseignants, les élèves et la langue médium d’enseignement qu’ils partagent : le français.

 

Christophe AMOUSSOU & Araba Noé ZINSOU

Membres APFB-Ouémé

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